Ce billet va vous paraître très technique, il a une finalité pédagogique, vous allez devenir « expert » en papier et sûrement plus exigent dans vos futurs achats. C’est passionnant, prenez le temps de le lire !
Quand j’utilise cette phrase « mes beaux papiers« , je ne fais pas référence uniquement aux côtés esthétiques de mes papiers autrement dit aux motifs,je fais référence à son mode de fabrication qui est artisanal. Cette vidéo vous en expliquera plus que moi et 10 fois mieux : Representative List of the Intangible Cultural Heritage of Humanity .
Une des caractéristiques de mon papier est la régularité de son épair, c’est à dire son apparence quand on le regarde par transparence. Le travail manuel du broyage, long et minutieux, permet une bonne séparation ainsi qu’une excellente répartition des fibres comme le montre la vidéo. L’épair de mon papier est par conséquent très régulier, ce qui lui confère une opacité uniforme ; les fibres sont réparties de manière très homogène sur l’ensemble de la feuille de papier et cela lui donne des propriétés mécaniques particulièrement stables. Il est de ce fait plus résistant aux écarts d’humidité, ne se déforme pas lors d’un encollage et permet un résultat imprimé uniforme. En outre il est très joli en transparence et c’est pour cette raison que j’aime l’utiliser en abat-jour.
Mon papier est ensuite collé dans la masse, ce qui signifie que les fibres sont « soudées » entre elles par un liant naturel. Cette phase de fabrication est essentielle pour que le papier puisse ensuite être peint ou imprimé sans que l’encre ne bave et ne se diffuse comme elle le ferait sur un buvard.
Un collage réussi associé à un épair régulier donne les meilleurs résultats d’impression avec des motifs très fins, très précis et une belle régularité des couleurs. On comprend facilement ce que donne une impression sur un papier à l’épair nuageux : il y a des zones sombres (amas de fibres), d’autres plus claires (manque de fibres) et la couleur imprimée ne parait pas uniforme.
Ce collage dans la masse et la qualité de répartition des fibres est capital et va définir le comportement du papier lors de son encollage sur les futurs supports où on va l’appliquer. Le papier est une matière vivante et il va réagir lorsqu’il va recevoir une colle ou de l’encre. S’il est de bonne qualité il va rester stable et maniable. Vous savez toutes pour l’avoir travaillé que mes papiers japonais se collent très très facilement !
Par contre, si le papier n’est pas bien collé et les fibres mal réparties (mauvais épair) à la fabrication, il va se déformer à l’encollage et la colle passe en transpercement. Vous savez que ce n’est pas le cas du mien.
Beaucoup de papiers à usage industriel sont peu ou pas collés dans la masse et reçoivent une enduction sur une face pour pouvoir être imprimés. Souvent dans ce cas le procédé d’impression est également industriel.
On parle dans ce cas d’enduction sur papier et de papier couché une face. Il est brut d’un côté et de l’autre il reçoit une couche plus ou moins épaisse qui le rend imprimable. Le résultat est une moins bonne cohésion interne du papier : on peut séparer très facilement cette couche et l’impression qu’elle a reçu du reste du matelas fibreux, un peu comme une « pelure ». Vous ne pourrez jamais faire ça sur mon papier.
Vient ensuite l’impression où on distingue deux niveaux de qualité actuellement utilisé sur des papiers dits « Japonais »
– L‘impression sérigraphie : avec des encres opaques, résistantes à la lumière, ce procédé permet d’obtenir une belle régularité dans les aplats de couleurs, une finesse des détails et un calage des couleurs entre elles irréprochable. Cette méthode est manuelle et minutieuse.
– L‘impression flexographie : avec des encres liquides à base de solvant, ce procédé est industriel. C’est un cliché caoutchouc qui vient appliquer l’encre sur le papier. Le résultat donne des aplats couleurs à l’aspect irrégulier et spongieux, les pourtours de l’impression bavent et le calage n’est pas toujours très précis.
Les prix de revient n’est pas le même, la flexographie est nettement « bon marché » par rapport à la sérigraphie. La différence s’explique par le procédé lui-même mais aussi par la différence de qualité des encres et l’épaisseur déposée.
Pour un papier Japonais destiné aux artistes, il est plus intéressant de choisir un papier imprimé en sérigraphie car l’encre sérigraphique a une résistance au vieillissement pouvant aller jusqu’à 10 ans contre… 1 mois pour la flexographie classique.
Mon papier est imprimé par sérigraphie. En France seuls les artistes peuvent se faire imprimer des œuvres par sérigraphie…tellement la méthode est longue et complexe donc onéreuse. Au Japon ils impriment leur papier, c’est normal qu’il vaille un certain prix !!
Enfin mon papier japonais est fabriqué par des générations d’artisans qualifiés issus d’une culture fière de cet art du papier.
Cet article a été réalisé grâce à l’aide précieuse de mon amie Isabelle, qui a travaillé de longues années comme experte dans l’imprimerie pour de grandes Maisons d’éditions